Politique internationale
Tout récemment, la Syrie a expérimenté une série de changements politiques historiques, suscitant des réactions tout aussi optimistes que pessimistes.
Le 8 décembre 2024, l’ancien dictateur syrien Bachar al-Assad part se réfugier en exil, en Russie. Cette décision est le résultat d’une offensive éclair menée pendant 10 jours, principalement par le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Cham. Celui-ci prend le dessus dans le pays, provoquant un bouleversement politique inédit ! Cela est une source d’aspirations et de méfiance, pour ce peuple subissant une guerre civile depuis 2011.
Des Syriens célèbrent la chute du régime de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024 à Damas – AMMAR GHALI / ANADOLU – photo France Info
De nouveaux gouverneurs éphémères
Le 10 décembre 2024, deux jours seulement après la chute de la dynastie Al-Assad, un gouvernement transitoire rentre au pouvoir à Damas. Il a à sa tête Mohammed Al-Bachir, ingénieur de formation. Le quadragénaire a d’abord été président du gouvernement du Salut Syrien* avant d’être nommé par le Commandement général en tant que premier ministre, le mois dernier. L’homme politique et presque une vingtaine d’autres ministres (intérieur, justice, économie, agriculture, affaires religieuses…) devraient occuper leurs postes jusqu’en mars de cette année, en attente du lancement d’un processus constitutionnel. En effet, le redémarrage politique de cet État du Proche-Orient, risque d’être long en raison de conflits intérieurs. Néanmoins, il a déjà été annoncé que des élections auront lieu dans un délai de quatre ans maximum.
Une multitude d’incertitudes…
Le gouvernement de M. Al-Bachir promet, avec le grand soutien de Ahmed Al-Chaara (chef du HTC), considéré maintenant comme le leader de son pays, un maintien de la paix ainsi qu’un processus politique « intégriste » réclamé par le Conseil de sécurité de l’ONU, c’est-à-dire qui fasse participer (qui intègre) le peuple syrien à la politique de son pays de façon active. Cependant, bien que le HTC affirme également ne plus être relié à aucune organisation djihadiste (ex : Al-Qaïda), de nombreux experts s’inquiètent du futur : “Domine aujourd’hui l’euphorie de la victoire, explique L’Bassel Kaghadou, spécialiste de la Syrie, mais il faut souhaiter qu’un processus politique se mette vite en place. La Syrie n’est pas à l’abri d’un scénario d’implosion, sur le modèle de I’Irak ou de la Libye”. Plusieurs nations, telles que celles d’Europe, les États-Unis ou encore la Turquie, restent aussi à l’affût de possibles dérives.
Des mesures qui rassurent
La population syrienne, quant à elle, est partagée entre le doute et l’espoir, mais salue tout de même les premières mesures prises par leur gouvernement pour une meilleure stabilité. Parmi elles, la suppression du service militaire obligatoire, mais également plusieurs concernant les commerçants, pour qui les taxes sont exemptées depuis quelques jours :
“ Le loyer pour les stands, tout ça, merci Dieu nous en sommes débarrassés. C’est mieux, nous confie Zeynab, propriétaire d’un petit stand, pour France Inter. Avant les policiers venaient et se servaient gratuitement sur nos étals » poursuit-elle, soulagée de ne plus avoir à subir le racket de l’ancien régime.
« Comment le nouveau régime veut rassurer les chrétiens » (La Croix)
La composante islamiste a de quoi inquiéter les chrétiens syriens. Le nouveau dirigeant a donc rencontré le 31 décembre leurs représentants (catholiques, anglicans, syriaque, maronite, etc.). « Ils ont notamment reçu des assurances que le HTC et ses alliés respecteraient les chrétiens, indique SOS Chrétiens d’Orient. La rencontre a abordé la place des chrétiens en tant que citoyens autochtones en Syrie et a souligné leur rôle dans la construction de l’avenir aux côtés de toutes les composantes de la société syrienne, y compris par une participation active à la rédaction d’une nouvelle constitution démocratique pour le pays. » Toutefois, si le premier ministre syrien de transition Mohammad al-Bachir a assuré que la coalition rebelle, ancienne branche syrienne d’al-Qaïda, respecterait «les droits de toutes les communautés», «des dizaines de milliers» de personnes ont fui la Syrie ces derniers jours, selon l’agence de l’ONU pour les migrations (OIM).
À présent, reste-t-il à savoir si ce gouvernement, en place depuis seulement un peu plus d’un mois, pourra atteindre ses objectifs sans qu’on ait à craindre les moyens utilisés.
*Gouvernement du Salut Syrien (GSS) : Administration locale, fondée en 2017, qui gouvernait de facto les territoires contrôlés par le groupe Hayat Tahrir al-Cham, durant la guerre civile syrienne.
Elisa Quesada-Walmsley