L’Avare, fameuse pièce de Molière, mise en scène par le merveilleux Jérôme Deschamps, était donnée au théâtre de l’Archipel de Perpignan les 27 et 28 octobre 2023. Après avoir mis en scène Les Précieuses ridicules en 1997 et Le Bourgeois Gentilhomme en 2022, le metteur en scène incarnait Harpagon. Nous avons pu l’interviewer le matin de la seconde représentation et apprendre de nombreux éléments sur la mise en scène, le décor, les costumes choisis mais aussi son avis sur la pièce et le personnage qu’il joue.
Un décor simple, minimaliste: de grands panneaux bleus, où s’accrochent la lune ou le soleil. Mais lorsque la lumière se pose dessus, ce mur prend sens: rouge pour suggérer la passion amoureuse des jeunes gens, noir quand Harpagon est au fond du trou après avoir perdu sa cassette, sa « joie ». Pourquoi ce choix? « je voulais une scénographie très dénudée, explique Jérôme Deschamps, qu’on se concentre sur le texte de Molière, rien que le texte, et sur les costumes, quelque chose de très simple pour les faire ressortir. C’est mon fils artiste peintre qui a imaginé et conçu le décor. » Mission accomplie ! Nous sommes pris dans la scène et les dialogues, rien ne nous échappe et les paroles ont plus d’impact. Nous goûtons le texte de Molière et rien que lui car « l’original reste la meilleure version, il n’y a pas besoin changer des choses pour la rendre plus drôle et intéressante qu’elle ne l’est déjà. »
Pas trop de musique non plus… pourquoi ?
« Ça a un sens, explique le metteur en scène : l’histoire continue et c’est Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns qui crée cette continuité entre chaque acte de la pièce. »
Des costumes impressionnants
Les costumes portés sur scène sont impressionnants, ils sont beaux et éclatants.
Nous avons pu aller les voir de plus près et le travail derrière ceux-ci est saisissant ; de nombreux détails accrochent l’œil comme la dentelle ou bien les coutures effectuées pour les améliorer. Chaque détail est important pour garder cette authenticité des costumes venant souvent du XVIIIème siècle.
Une vision différente
« Harpagon, c’est pas Picsou, se défend Jérôme Deschamps, il est simplement contre la mauvaise gestion de son bien, contre les rubans de son fils: ”tu vas te faire repérer. ” Cléante l’ horripile car il ne sait pas gérer l’argent accumulé par ses parents. »
Dans son interprétation, Harpagon n’est pas un fou: il est juste obsessionnel et rusé. « Et Cléante malmené, s’amuse le metteur en scène, tombe dans le piège de son père à l’acte IV : “c’est ainsi que vous me jouez ! ” Mais Molière donne finalement raison aux jeunes car il se sent proche d’eux. »
Un spectacle parfois décalé
Jérôme Deschamps qui évoque sa très grande proximité avec le cinéaste Jacques Tati nous livre aussi dans sa mise en scène des moments burlesques qui rappellent les films de ce dernier comme Mon oncle. Par exemple lorsqu’Harpagon désespéré d’avoir perdu son or marche tel un automate. Mais aussi lors d’une scène désopilante où Dame Claude et Frosine communiquent par des sortes de borborygmes, et vu la voix de Dame Claude, on s’aperçoit que c’est un homme qui joue le rôle ! Quant à Valère, l’amant enjoué d’Elise, si plein d’énergie, il se fait parfois danseur, cabrioleur : « c’est un jeu! insiste Jérôme Deschamps, il faut plaire, s’amuser ; c’est un amoureux mais aussi un joueur ! »
Eva Porcelli et Mathilde Thiollier