THUÂN ET LE VIETNAM AU BOUT DE LA PLUME.

Thuân n’est pas une autrice comme les autres. Ses œuvres qui font parfois rire et parfois pleurer nous ont touchés et nous avons eu la chance de la rencontrer, en novembre dernier.

Originaire du Vietnam, Thuân est une autrice engagée aux récits poignants. Durant notre voyage à Paris, nous avons pu la rencontrer, chez elle à Antony. Nous nous sommes glissés dans son intimité. Nous avions lu pour certains Le parc aux roseaux et avions beaucoup de questions à lui poser. Ce roman, le dernier paru lors de notre interview, parle d’une jeune femme vietnamienne qui découvre la liberté française et d’un autre côté continue d’être oppressée par un père aimant mais strict qui idéalise la France. 

Une rencontre unique avec une autrice…unique !

Assis autour de Thuân, entre thé et gâteaux, les langues se délient et la curiosité prend les rênes de nos cerveaux.

QUI EST THUÂN ?

Thuân, de son vrai nom Doan Anh Thuân né en 1967 à Hung Yên, montre un grand intérêt pour la littérature et va, pendant cinq ans, étudier en Russie pour découvrir les littératures anglaise et russe. Après être arrivée en France en 1991, elle poursuit ses études à la Sorbonne. Aujourd’hui, elle est l’auteure de dix romans qui tournent autour de l’univers vietnamien. Thuân, elle, éprouve un amour certain pour la langue français qu’elle décrit comme sa « bonbonne d’oxygène », depuis toujours. Elle y trouve sa forme de liberté, liberté dont le Vietnam l’a privée en censurant plusieurs de ses œuvres.

PROUST ET TOLSTOÏ

Quand on lui a demandé d’où venait son inspiration, Thuân nous a répondu que certains auteurs l’avaient inspirée, tels que Tolstoï ou Marcel Proust. Son expérience personnelle lui sert également de pilier pour écrire avec pour toile de fond le Vietnam. 

Ces deux premières de couverture sont des tableaux réalisés par le mari de Thuân, Tran Trong Vu, peintre vietnamien, lui aussi engagé.

Nous l’avons également questionnée sur son nouveau roman, B-52 ou celle qui aimait Tolstoï: de quoi parle-t-il et pourquoi ? Elle nous apprend qu’en voyant les images de la guerre en Ukraine, elle a pensé à la guerre du Vietnam, encore trop méconnue aujourd’hui. Et de là est partie l’idée de B-52. L’idée de conflits meurtriers entre des pays la révulse d’autant plus que le sien en a connu un long et fratricide.

Évidemment, quand on interroge une auteure, on se demande quel est son secret pour si bien écrire à chaque fois, la recette magique en quelque sorte. En réalité son plan est peu détaillé, ses personnages la font réfléchir et font avancer le cours de l’histoire. Thuân a maintenant l’habitude de publier un roman tous les deux ans ; ses cinq premiers romans, eux, n’avaient pas de plan.

Nous nous demandions aussi si son éditeur était contraignant avec elle, s’il lui demandait beaucoup de modifications qui pourraient ne pas lui plaire, ou si, au contraire, il était plutôt en accord avec ses écrits. Elle avoue qu’elle a gardé certaines habitudes vietnamiennes qui rendent la compréhension du texte assez complexe. Elle trouve la langue française plus logique alors que la vietnamienne, elle, est plus flexible. Beaucoup de relectures et d’auto-corrections sont nécessaires pour finaliser un roman.

Subit-elle beaucoup de pression ? A-t-elle l’impression de devoir quelque chose à ses lecteurs ? Elle s’est confiée sur le fait qu’écrire était très dur, que ça lui avait apporté beaucoup de stress ; de même, le fait de voir certains écrivains réussir du premier coup ajoutait une impression de loupé.

Même si elle est une auteure maintenant reconnue, quel métier aurait-elle pu exercer si elle n’avait pas écrit ? Eh bien elle aurait été professeure de lettres en fac même si être écrivaine l’a toujours attirée. Mais les deux ne sont pas incompatibles !

Quels thèmes sont finalement au cœur de ce qu’elle écrit ? il y a surtout selon Thuân, l’exil, la construction d’un nouveau monde après la chute de l’Union Soviétique, la guerre froide… Ses romans apportent un œil nouveau sur cet exil et sur une génération née sur des ruines.

                                                                                                                                  Hermine Boy